Psaume 137 (136) - "Chant de l'exilé" : Ps 137, 1-2 : Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion; aux peupliers d'alentour nous avions pendu nos harpes.
Le psaume 137 (136 selon la numérotation gréco-latine) évoque le souvenir de la chute de Jérusalem en 587 et de l'exil à Babylone.
Dans la liturgie des Messes dominicales et des fêtes, le psaume 137 est chanté le 4ième Dimanche de Carême de l’année B.
Le Psaume 136 (137) en français (La Bible de Jérusalem, 1998) :
Au milieu des tribulations de ce monde, rien ne pourra nous séparer de l'amour du Christ qui nous appelle à désirer la venue de son règne.
Ps 136, 1 : Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion;
Ps 136, 2 : aux peupliers d'alentour nous avions pendu nos harpes.
Ps 136, 3 : Et c'est là qu'ils nous demandèrent, nos geôliers, des cantiques, nos ravisseurs, de la joie "Chantez-nous, disaient-ils, un cantique de Sion."
Ps 136, 4 : Comment chanterions-nous un cantique de Yahvé sur une terre étrangère ?
Ps 136, 5 : Si je t'oublie, Jérusalem, que ma droite se dessèche !
Ps 136, 6 : Que ma langue s'attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je ne mets Jérusalem au plus haut de ma joie !
Ps 136, 7 : Souviens-toi, Yahvé, contre les fils d'Édom, du Jour de Jérusalem, quand ils disaient : "À bas ! Rasez jusqu'aux assises !"
Ps 136, 8 : Fille de Babel, qui dois périr, heureux qui te revaudra les maux que tu nous valus,
Ps 136, 9 : heureux qui saisira et brisera tes petits contre le roc !
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.
Le Psaume 136 (137) en latin "Super flumina Babylonis" (La Vulgate) :
Ps 136, v.1 : David Hieremiae super flumina Babylonis illic sedimus et flevimus cum recordaremur Sion
Ps 136, v.2 : in salicibus in medio eius suspendimus organa nostra
Ps 136, v.3 : quia illic interrogaverunt nos qui captivos duxerunt nos verba cantionum et qui abduxerunt nos hymnum cantate nobis de canticis Sion
Ps 136, v.4 : quomodo cantabimus canticum Domini in terra aliena
Ps 136, v.5 : si oblitus fuero tui Hierusalem oblivioni detur dextera mea
Ps 136, v.6 : adhereat lingua mea faucibus meis si non meminero tui si non praeposuero Hierusalem in principio laetitiae meae
Ps 136, v.7 : memor esto Domine filiorum Edom diem Hierusalem qui dicunt exinanite exinanite usque ad fundamentum in ea
Ps 136, v.8 : filia Babylonis misera beatus qui retribuet tibi retributionem tuam quam retribuisti nobis
Ps 136, v.9 : beatus qui tenebit et adlidet parvulos tuos ad petram
Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, sicut erat in principio et nunc et semper et in saecula saeculorum. Amen.
Le Psaume 136 (137) en français (AELF) :
Ps 136, 01 : Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ;
Ps 136, 02 : aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes.
Ps 136, 03 : C'est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux : « Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion ».
Ps 136, 04 : Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ?
Ps 136, 05 : Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite m'oublie !
Ps 136, 06 : Je veux que ma langue s'attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je n'élève Jérusalem, au sommet de ma joie.
Ps 136, 07 : Souviens-toi, Seigneur, des fils du pays d'Édom, et de ce jour à Jérusalem où ils criaient : « Détruisez-la, détruisez-la de fond en comble ! »
Ps 136, 08 : Ô Babylone misérable, heureux qui te revaudra les maux que tu nous valus ;
Ps 136, 09 : heureux qui saisira tes enfants, pour les briser contre le roc !
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.
Voici l’admirable Prière qui paraphrase le Psaume 136 lors de la triste révolution française « Grand Dieu ! Nos yeux étaient-ils donc réservés pour voir de si horribles attentats ? » de Monsieur l'abbé Botex, Curé du diocèse de Lyon et député à la première Assemblée Nationale, défenseur des intérêts sacrés de la religion Catholique et massacré à l'Abbaye-St-Germain-les-Prés le 2 septembre 1792.
Cette Paraphrase du Psaume 136 a été composée dans les commencements de l'année 1792 par M. l'abbé Botex, Curé du diocèse de Lyon. Cet ecclésiastique unissait, à la plus fervente piété, la connaissance la plus étendue de tous ses devoirs. Député à la première Assemblée Nationale, il ne perdit pas un moment de vue l'honorable mission qui lui avait été confiée, de défendre les droits de la Royauté et les intérêts sacrés de la religion Catholique et de sa discipline. C'était-là un double crime, impardonnable dans ces malheureux jours. Arrêté quelques jours après le 10 août, au séminaire des Missions étrangères, où il faisait sa résidence depuis l'année 1789, M. Botex fut conduit à l'Abbaye Saint-Germain-les-Prés, où il eut l'honneur de sceller, par toute l'effusion de son sang, la foi qu'il avait défendue par de bons et utiles écrits. Il fut une des premières victimes immolées le dimanche 2 septembre. Ses bourreaux lui avoient demandé de prêter le serment de liberté et d'égalité ; le vénérable Curé répondit : « Les supérieurs ecclésiastiques n'ont point encore prononcé si ce serment était légitime ou non : ce n'est pas à moi à préjuger la question ». On lui répond qu'il va mourir s'il ne le prête. « Eh bien, je choisis la mort ». Il se mit à genoux, et n'avait pas achevé sa prière, qu'il tomba percé de coups. Ce digne Ministre ne prévoyait pas qu'en 1801, la Religion Catholique commencerait à refleurir en France.
« Seigneur, accablés sous la pesanteur de votre bras, nous éprouvons dans toute l'amertume de notre âme, cette vérité incontestable annoncée par le grand Apôtre, que c'est une chose terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant ! Sommes-nous donc parvenus à ces temps déplorables où la foi ne semble plus que le partage des simples ? Votre église, ô mon Dieu ! n'a eu à soutenir dans sa naissance, que les efforts de la haine des Juifs incrédules ; mais aujourd'hui la persécution qui se déclare contre elle, est d'autant plus terrible et effrayante que ses propres enfants sont devenus ses plus grands ennemis. Les fidèles Ministres de vos autels sont forcés d'abandonner les Temples, où la grandeur dc votre Nom était célébrée. Les torts et les outrages qu'on leur fait, ne les rendent, il est vrai, que plus fermes dans la foi, mais la crainte du parjure les force à s'éloigner du troupeau qui leur sera toujours cher, et pour le salut duquel ils seront toujours prêts de faire tous les sacrifices. Mais, parmi ce troupeau même, confié à leurs soins, que de ravages l'incrédule, toujours insidieux, n'a-t-il pas causés ! Un désordre affreux a divisé le troupeau de Jésus-Christ. Séduits par un esprit d'aveuglement et d'indépendance, l'apostasie ne cesse de dorer la coupe empoisonnée de Babylone, pour porter les brebis de Jésus-Christ à la révolte contre leurs propres Pasteurs. Les uns sont frappés d'une déposition arbitraire et tyrannique ; les autres sont mis en fuite et réduits à chercher un asile dans une terre étrangère ; tous souffrent en silence les calomnies et les outrages, et n'opposent aux vexations sourdes, aux violences ouvertes de leurs persécuteurs, que la patience et le courage de l'Evangile ; et cependant ces mêmes brebis devenues loups, loin de verser des larmes sur un désastre si universel, portent l'excès de la rage ct de l'ingratitude, jusqu'à applaudir à leur propre malheur, en se réjouissant follement des coups funestes qu'on porte à votre sainte Religion. Déjà l'abomination de la désolation est établie dans le lieu saint ; déjà une voix schismatique et sacrilège ose chanter les louanges du Dieu qu'elle a abjuré aux pieds de ses autels. Un encens réprouvé brûle dans les Temples par l'ingratitude, la rébellion et l'hérésie. Les jours de joie sont changés en des jours de tristesse, et les solennités sont devenues des jours d'opprobre et d'affliction. Grand Dieu ! Nos yeux étaient-ils donc réservés pour voir de si horribles attentats ? Nos jours devaient-ils en enfanter les coupables auteurs ? Hélas ! Le sacrifice du soir n'est plus un sacrifice d'expiation, d'actions de grâces, offert par des mains impures et sacrilèges, il enchaîne la clémence, il irrite la colère d'un Dieu outragé dans le plus grand de ses bienfaits. On donne à nos Eglises des hommes qui osent se dire leurs époux, et tous les époux sont comme s'ils ne l'étaient pas ; des esclaves nous dominent, sans qu'il se trouve personne pour nous racheter d'entre leurs mains. La vérité est en oubli, et celui qui se retire du mal est en proie à la fureur des ennemis de votre Eglise sainte. Seigneur, jetez les yeux sur elle, sur cette demeure à jamais respectable, le trône de votre gloire. Où est votre zèle et votre force ? Où est la tendresse de vos entrailles et de vos miséricordes ? Mais, si vous nous jugez indignes d'attirer vos regards, apaisez-vous au moins à cause des Pasteurs que vous nous avez donnés pour guides dans la foi, et qui, en se montrant de plus en plus, les dignes successeurs de vos Apôtres, ne savent que mourir pour la défense de la vérité que vous nous avez apprise par leur bouche. En vain ces ministres de l'erreur, assez téméraires pour oser se placer sur leurs sièges, s'efforcent de bénir le peuple ; leurs bénédictions deviennent des malédictions. Et que peut-on attendre de pareils Médiateurs ? Revêtus du sacerdoce, leurs offrandes multiplient leurs profanations, et chaque sacrifice sera pour eux un nouveau crime. Ils voudraient prophétiser, mais ils prophétisent faussement en mon nom, dit le Seigneur ; je ne les ai point envoyés, je me leur ai point ordonné de dire ce qu'ils disent, et je ne leur ai point parlé. Peuple abusé par les libelles impies que la presse enfante sans cesse, les prophéties qu'ils vous débitent, sont des visions pleines de mensonge ; ils| publient des illusions trompeuses, et les séductions de leur cœur. Ce qu'ils croiront délier sur la terre, je le lierai plus étroitement dans le Ciel. Effrayés de ces terribles oracles, nous avons fui ces pasteurs mercenaires, et les temples qu'ils nous ont ravis. Confondus avec les coupables habitants de Babylone, accablés de tristesse et de douleur, les rives de ses fleuves ont retenti de nos plaintes et de nos gémissements. Dieu de nos pères, Pasteur éternel et Tout-Puissant, sauvez vos brebis de la fureur des loups, et changez les loups en agneaux. Pasteur invisible de nos âmes, et Pontife des biens futurs, changez ces idoles muettes qui occupent, dans votre Eglise, la place de vos Apôtres. Quoi ! Seigneur, étions-nous donc réservés pour voir, au milieu de votre Eglise, ce qui faisait gémir vos Saints dans Israël ? Des sentinelles aveugles et dans l'ignorance. Ah ! Ne nous couvrez point de confusion, en permettant que le trône de votre gloire soit foulé aux pieds. Otez de devant les yeux de leur cœur le voile épais qui les couvre ; et que, reconnaissant que c'est vous même, ô mon Dieu, qu'ils persécutent dans la personne de vos premiers pasteurs et de leurs dignes coopérateurs, ils gémissent avec nous sur eux-mêmes, ou plutôt, que mettant fin à nos maux, ils goûtent, avec tous vos enfants, la joie et la paix de votre esprit. Jusqu'à ce moment que nous désirons, nous ne cesserons de fixer nos regards sur la montagne sainte ; le souvenir de nos solennités fera toujours couler nos larmes ; les accents plaintifs de la douleur attesteront, et les délices pures qu'elles nous faisaient goûter, et le regret d'en être privés. Dépouillés des ornements qui nous décoraient dans les jours de fêtes, nous les avons déposés, nous les conserverons comme le triste monument de nos malheurs. Les instruments sur lesquels nous chantions les louanges de notre Dieu, demeurent dans un morne silence, et l'airain suspendu dans nos Temples ne s'agite plus que pour rendre des sons tristes et lugubres. Hélas ! Nous voilà donc plongés dans l'état de la synagogue charnelle et réprouvée. La victime du salut sera au milieu de nous, et nous n'aurons plus le pouvoir de nous en approcher. Vous maudirez, Seigneur, l'encens qui vous sera offert, ainsi que nos jours de sabbat et nos solennités, comme vous maudites autrefois tout le culte d'un peuple dont le cœur était loin de vous. Ô vous que le Seigneur nous a suscités dans sa colère, pourquoi ajoutez-vous à notre douleur ? Vous vouliez nous rendre complices de vos ·parjures et de vos sacrilèges attentats. Ah ! Plutôt la mort, que de vivre apostats ou infidèles à notre religion. Non, il ne nous est pas permis, en matière de doctrine, de rien introduire de, notre fonds, ni même d'embrasser des opinions que quelqu'un aurait avancées de lui-même. Nous avons pour auteurs les Apôtres du Seigneur, qui n'ont rien inventé, mais qui ont annoncé fidèlement au peuple, la doctrine qu'ils avaient reçue de Jésus-Christ. Quand donc un Ange même, descendu du Ciel, nous prêcherait une autre doctrine, nous lui dirions anathème. Ainsi parlait Tertullien, ainsi devons-nous tous penser. Mais telle est la loi, nous dites-vous, ô hommes pleins de fourberie et de malice ! C’est bien à vous qu'il appartient de parler de loi et de discipline, de prononcer sur ce qui est dû au souverain Pasteur des âmes, et à ceux à qui il en a confié le soin après sa résurrection. Et n'est-ce pas vous qui haïssez toute loi et toute discipline, qui avez rejeté toutes les paroles du Seigneur, qui avez fait alliance avec tous les pécheurs de la terre par vos damnables maximes, et mis votre partage avec tous les cœurs adultères et fornicateurs qui s'éloignent du Seigneur, parce qu'ils ne l'aiment pas ? Après cela, hommes pleins d'iniquités, vous osez, avec un sourire amer et barbare, vous osez, dis-je, nous inviter à chanter les cantiques, les hymnes dont les temples retentissaient dans les jours de notre prospérité. Hélas ! Comment pourrions-nous chanter les cantiques du Seigneur dans une terre impie, au milieu de ses ennemis ? N'aurions-nous pas à craindre que vos mains audacieuses ne renversassent les autels que nous aurions érigés en les arrosant de nos larmes ? Ces hommages consolants d'une piété pure et innocente, seraient cruellement calomniés ; on les regarderait comme un mépris de l'odieuse et tyrannique puissance qui nous opprime ; on les dénoncerait comme un attentat porté aux lois vexatoires que l'irréligion et la licence ont dictées. Les intrus eux-mêmes, à qui on ose donner aujourd'hui le nom de pasteurs, seraient peut-être assez téméraires pour y porter une main sacrilège. Ô mon divin Sauveur, sont-ce donc ici les jours que vos Prophètes ne pouvaient voir en esprit, sans en sentir les dangers, comme s'ils avoient eu à les craindre pour eux-mêmes ? Ah ! Malheur à nous de nous voir nés dans un temps de stérilité et de désolations. Quoi, mon Dieu ! L’homme va-t-il l'emporter sur vous, et sa parole sur la vôtre ? Allez-vous désormais briser toutes les tables de vos lois, préparer le royaume de votre fils bien-aimé, à l'esclave comme à l'enfant ; au loup, comme à l'agneau ; à l'hypocrite, comme au vrai adorateur ? Non, mon Dieu ! Jamais vous ne ferez un partage si indigne de votre sagesse. Vous nous avez assuré vous-même par la bouche de votre Prophète, que le méchant ne demeurera point près de vous, et que les injustes ne subsisteront point en votre présence ; que vous haïssez tous les ouvriers d'iniquité, et que vous perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge. Jérusalem, cité sainte, et vous justes qui en étiez l'ornement, toujours votre souvenir me sera cher ; jamais il ne s'effacera de mon cœur ; rien de ce qu'on pourra dire pour me consoler, ne me touchera, à moins qu'on ne me parle de vous, ô Jérusalem ! Que les impies se rient de moi, qu'ils insultent à ma douleur ; changez, mon Dieu, changez mes yeux en deux fontaines de larmes, puisque je vois aujourd'hui, dans votre Jérusalem, dans votre saint Temple, ce que vous avez toujours eu en horreur, le triomphe de l'apostasie, du schisme et du parjure. Ah ! Ancienne Jérusalem, quand vous vous vites environnée de tranchées et pressée de toutes parts, vous fûtes saisie de mille horreurs ; vous craigniez de voir la terre de vos pères foulée sous les pieds des nations, votre temple ruiné, vos prêtres dispersés, votre sanctuaire profané, l'autel renversé, le sang de vos victimes cessant de couler sous les yeux du Seigneur ; vous trembliez à la vue de tous ces maux ; et à peine un reste de vos enfants a-t-il pu survivre à la douleur de les avoir vus. Mais, hélas ! Notre douleur est bien plus amère que ne fut la vôtre en ces jours de votre ruine ; nos plaies sont bien plus profondes, et l'abomination placée dans votre Sanctuaire et plus déplorable, plus désolante et plus déplorable. Seigneur, Roi tout-puissant, toutes choses sont soumises à votre pouvoir, et nul ne peut résister à votre volonté sainte, si vous avez résolu de sauver Israël. Seigneur Dieu, vous êtes le seul Dieu dans le Ciel, et il n'y a nul autre Dieu que vous. Vous êtes juste et pacifique, grand et élevé, Seigneur, et toutes vos Voles sont accompagnées de jugement. Mais, ô mon Dieu, ne livrez point vos enfants à la captivité ; ne permettez point notre perte; continuez vos miséricordes envers nous ; ayez compassion de votre héritage, de ceux que vous avez choisis, parce que vous les avez aimés, Jusqu'ici, ô mon Dieu, les persécutions suscitées contre votre Eglise, n'ont servi qu'à mettre en évidence le mérite de ses enfants, et à faire connaître qu'elle est toujours invincible, et que tous ceux qui l'attaquent, ne peuvent éviter leur perte et leur malheur, quelque grands et quelque élevés qu'ils soient. Ne l'abandonnez donc pas, ô mon Dieu, cette Eglise ; que l'élévation de ses ennemis ne serve, au contraire, qu'à les faire tomber de plus haut, et à rendre leur chute plus remarquable et plus funeste. Ô Sainte Sion, si j'étais assez ingrat pour vous oublier jamais, que cette main qui exprime ce que j'éprouve pour vous, cesse d'agir ; qu'elle demeure dans l'inaction ; qu'elle se sèche comme celle de ce roi impie qui ordonnait d'arrêter un Prophète ! Et vous, digne successeur des Exupert, des Rigobert, que dis-je, des Athanase, des Ambroise, ah ! Si jamais je me séparais de vous, si jamais j'en reconnaissais d'autre que vous sur le siège où Dieu vous a placé, à moins que vous n'y consentissiez avec l'Eglise ; que tout mon sang se glace dans mes veines, que la moelle de mes os se dessèche, que ma langue s'attache à mon palais. Jérusalem est ma patrie ; mon Dieu y a fixé sa demeure ; mes lèvres pourraient-elles prononcer un nom plus délicieux ! Seigneur, l'espérance renaît dans mon cœur. Les trésors de votre miséricorde ne sont point épuisés. Vous vous souviendrez de Jérusalem. Ce jour après lequel nous soupirons, n'est pas éloigné ; les bienfaits de votre clémence succéderont aux coups de votre justice. Oui, mon Dieu, il nous est avantageux de n'espérer qu'en vous : fussions-nous réduits à l'état de ce juste frappé de si grandes plaies ; fussions-nous prêts à rendre le dernier souffle de vie : Qu'un Dieu irrité contre l'ingratitude de toute la terre, dirions-nous, nous immole à sa justice, s'il l'a ainsi résolu, nous ne laisserons pas d'espérer en lui, nous savons ce qu'il est, et nous défendrons ses droits les plus légitimes : il sauvera la vérité, et fussions-nous dans le tombeau, nous triompherons avec elle. Mais, ô mon Dieu ! Ne vous souviendrez-vous pas des enfants d'Edom ? Oublierez-vous leurs crimes, les maux dont ils nous ont accablés ? Vous le savez, ils ont profané votre sanctuaire auguste, ils ont persécuté vos Saints ; leur fureur s'allume, de plus en plus, leur orgueil monte toujours ! Voyez, Seigneur, du haut du ciel, et considérez comment ils se hâtent de combler la mesure de leurs crimes, et combien leurs pieds sont prompts et légers pour courir au mal et à l'injustice. Poussés par une cupidité impie et aveugle, ils ont porté une main sacrilège sur la subsistance de la veuve et de l'orphelin ; ils ont envahi le patrimoine du pauvre : tous ces grands édifices, ces monuments si précieux et si respectables de la piété de nos pères, ne deviendront-ils qu'un vil amas de poussière ? Grand Dieu ! Verrez-vous cette désolation d'un œil serein et tranquille, demeurerez-vous dans le silence, et nous affligerez-vous jusqu'à l'extrémité ? Les ennemis de votre saint Nom ont porté leurs mains sacrilèges à tout ce qu'il y a de plus précieux dans votre sanctuaire, et en ont fait leur proie. On les voit s'exciter mutuellement à la ruine de Sion et de nos Temples. Abolissons, se disent-ils les uns aux autres, abolissons ses solennités, détruisons la majesté du culte, substituons des prêtres de Baal, des prêtres parjures, aux dignes Ministres d'un Dieu saint ; détruisons, jusques dans ses fondements, une religion ennemie de cette licence effrénée qui a tant de charmes pour nous. Ah ! Seigneur ! Quels torrents de larmes ne répandrais-je pas, si je voulais déplorer la timidité et la lâche perfidie de ces Ministres de vos autels, que vous paraissiez avoir suscités pour les opposer aux ennemis de votre Evangile ! L'ingrate Jérusalem a cru conserver ses murs et son peuple en abandonnant son Messie ; son Messie règne aujourd'hui, et Jérusalem n'est plus ; ses ennemis ne lui ont pas laissé pierre sur pierre, et son peuple, errant et fugitif, ne subsiste que pour annoncer à toute la terre et à tous les siècles, que vouloir se conserver aux dépens de votre vérité, c'est vouloir périr et se détruire de ses propres mains. Comprenez ceci, et instruisez-vous, vous qui êtes appelés les sages et les prudents, et dont les pensées sont pleines de vanité et de folie. Infortunée fille de Babylone, quel est donc ton aveuglement ? Tu applaudis à ces excès, tu animes la rage des bourreaux qui tourmentent tes bienfaiteurs ! Lorsqu'ils te consolent dans tes peines, lorsque, par leurs prières, leurs avis, leur zèle infatigable, lorsque, par des secours même temporels, ils préservaient ton innocence des écueils dont elle était environnée ; devaient-ils s'attendre à une telle ingratitude ? Seras-tu toujours aussi coupable que ce peuple oubliant les bienfaits de Jésus-Christ, demandait sa mort, et s'écriait, dans le délire de son aveuglement : que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ? Fille de l'ancien serpent, emploieras-tu encore longtemps l'art le plus insidieux, pour inspirer au peuple tes révoltantes maximes ? Apprends donc qu'en t'élevant contre la religion de tes pères, tu attaques ta bienfaitrice. Ah ! Si je n'écoutais que les sentiments d'une juste indignation, je m'écrierais avec le saint Roi prophète ; Heureux celui qui, ministre de la vengeance divine, te fera éprouver des maux plus horribles encore que ceux que tu nous a procurés ! Heureux celui qui, en ta présence, écrasera tes enfants sur une pierre encore moins dure que ton cœur ! Mais non, jamais le nôtre ne formera de tels vœux. Frappez-les, Seigneur, mais afin de les guérir ; que l'adversité dissipe les ténèbres où ils sont plongés ; qu'ils partagent avec nous les sentiments du repentir le plus sincère. Votre Eglise, ô mon Dieu, vit autrefois naitre un Paul du sang d'Etienne, votre premier Martyr. Ah ! Si vous daignez écouter les humbles prières de vos serviteurs, nous vous demanderons encore, aux pieds des saints autels, la même grâce pour nos persécuteurs. Votre bras n'est pas raccourci ; ils sont nos bienfaiteurs, puisque leurs persécutions nous ont ramenés vers vous ; ils sont nos frères, vos enfants ; ils sont arrosés comme nous du sang adorable de votre auguste Fils : notre bonheur serait imparfait, s'ils n'en jouissaient pas avec nous. Seigneur, mon Dieu, que je sois frustré de toute espérance de vivre, plutôt que de cesser de les aimer et d'implorer pour eux, comme pour moi-même, les grands effets de votre miséricorde. Sauvez-les, ô mon Dieu ! Et qu'un jour réunis avec nous, ils en célèbrent les bienfaits pendant l'éternité bienheureuse. »
Ainsi soit-il.
M. l'abbé Botex (mort martyr en 1792) – Extrait du « Guide Spirituelle pour la Perfection » du R. P. Jean-Joseph Surin, pages 236-258, Langlois (1801)