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Psaume 77 (76) - "Méditation sur le passé d'Israël"


Psaume 77 (76) - "Méditation sur le passé d'Israël" : Ps 77, 1-4 : Du maître de chant... Yedutûn. D'Asaph. Psaume. Vers Dieu ma voix : je crie, vers Dieu ma voix : il m'entend. Au jour d'angoisse j'ai cherché le Seigneur; la nuit, j'ai tendu la main sans relâche, mon âme a refusé d'être consolée. Je me souviens de Dieu et je gémis, je médite et le souffle me manque.

Dans le psaume 77 (76 selon la numérotation gréco-latine) attribué à Asaph à l'époque difficile du retour de l'Exil, le psalmiste évoque les bienfaits passés de Yahvé pour Israël, les merveilles de la sortie d'Egypte, gage d'interventions futures de Yahvé pour son peuple.

Vous trouverez ci-après les versions latine et française (Bible de Jérusalem + AELF) du Psaume 76 (77) ainsi que son commentaire.


Le Psaume 76 (77) en français (La Bible de Jérusalem, 1998) :

Plainte dans la souffrance : « Au jour de détresse, nous crions vers le Seigneur. Au jour de paix, n'oublions pas l'action du Seigneur qui nous sauve. Avec gratitude, faisons mémoire de son œuvre éternelle ».

Ps 76, 1 : Du maître de chant... Yedutûn. D'Asaph. Psaume.
Ps 76, 2 : Vers Dieu ma voix : je crie, vers Dieu ma voix : il m'entend.
Ps 76, 3 : Au jour d'angoisse j'ai cherché le Seigneur; la nuit, j'ai tendu la main sans relâche, mon âme a refusé d'être consolée.
Ps 76, 4 : Je me souviens de Dieu et je gémis, je médite et le souffle me manque.
Ps 76, 5 : Tu as retenu les paupières de mes yeux, je suis troublé, je ne puis parler;
Ps 76, 6 : j'ai pensé aux jours d'autrefois, d'années séculaires
Ps 76, 7 : je me souviens; je murmure dans la nuit en mon coeur, je médite et mon esprit interroge
Ps 76, 8 : Est-ce pour les siècles que le Seigneur rejette, qu'il cesse de se montrer favorable ?
Ps 76, 9 : Son amour est-il épuisé jusqu'à la fin, achevée pour les âges des âges la Parole ?
Ps 76, 10 : Est-ce que Dieu oublie d'avoir pitié, ou de colère ferme-t-il ses entrailles ?
Ps 76, 11 : Et je dis : "Voilà ce qui me blesse elle est changée, la droite du Très-Haut."
Ps 76, 12 : Je me souviens des hauts faits de Yahvé, oui, je me souviens d'autrefois, de tes merveilles,
Ps 76, 13 : je me murmure toute ton oeuvre, et sur tes hauts faits je médite
Ps 76, 14 : O Dieu, saintes sont tes voies ! quel dieu est grand comme Dieu ?
Ps 76, 15 : Toi, le Dieu qui fait merveille, tu fis savoir parmi les peuples ta force;
Ps 76, 16 : par ton bras tu rachetas ton peuple, les enfants de Jacob et de Joseph.
Ps 76, 17 : Les eaux te virent, ô Dieu, les eaux te virent et furent bouleversées, les abîmes aussi s'agitaient.
Ps 76, 18 : Les nuées déversèrent les eaux, les nuages donnèrent de la voix, tes flèches aussi filaient.
Ps 76, 19 : Voix de ton tonnerre en son roulement. Tes éclairs illuminaient le monde, la terre s'agitait et tremblait.
Ps 76, 20 : Sur la mer fut ton chemin, ton sentier sur les eaux innombrables. Et tes traces, nul ne les connut.
Ps 76, 21 : Tu guidas comme un troupeau ton peuple par la main de Moïse et d'Aaron.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.



Le Psaume 76 (77) en français (AELF : Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones) :

Ps 76, 02 : Vers Dieu, je crie mon appel ! Je crie vers Dieu : qu'il m'entende !
Ps 76, 03 : Au jour de la détresse, je cherche le Seigneur ; + la nuit, je tends les mains sans relâche, mon âme refuse le réconfort.
Ps 76, 04 : Je me souviens de Dieu, je me plains ;je médite et mon esprit défaille.
Ps 76, 05 : Tu refuses à mes yeux le sommeil ; je me trouble, incapable de parler.
Ps 76, 06 : Je pense aux jours d'autrefois, aux années de jadis ;
Ps 76, 07 : la nuit, je me souviens de mon chant, je médite en mon coeur, et mon esprit s'interroge.
Ps 76, 08 : Le Seigneur ne fera-t-il que rejeter, ne sera-t-il jamais plus favorable ?
Ps 76, 09 : Son amour a-t-il donc disparu ? S'est-elle éteinte, d'âge en âge, la parole ?
Ps 76, 10 : Dieu oublierait-il d'avoir pitié, dans sa colère a-t-il fermé ses entrailles ?
Ps 76, 11 : J'ai dit : « Une chose me fait mal, la droite du Très-Haut a changé. »
Ps 76, 12 : Je me souviens des exploits du Seigneur, je rappelle ta merveille de jadis ;
Ps 76, 13 : je me redis tous tes hauts faits, sur tes exploits je médite.
Ps 76, 14 : Dieu, la sainteté est ton chemin ! Quel Dieu est grand comme Dieu ?
Ps 76, 15 : Tu es le Dieu qui accomplis la merveille, qui fais connaître chez les peuples ta force :
Ps 76, 16 : tu rachetas ton peuple avec puissance, les descendants de Jacob et de Joseph.
Ps 76, 17 : Les eaux, en te voyant, Seigneur, + les eaux, en te voyant, tremblèrent, l'abîme lui-même a frémi.
Ps 76, 18 : Les nuages déversèrent leurs eaux, + les nuées donnèrent de la voix, la foudre frappait de toute part.
Ps 76, 19 : Au roulement de ta voix qui tonnait, + tes éclairs illuminèrent le monde, la terre s'agita et frémit.
Ps 76, 20 : Par la mer passait ton chemin, + tes sentiers, par les eaux profondes ; et nul n'en connaît la trace.
Ps 76, 21 : Tu as conduit comme un troupeau ton peuple par la main de Moïse et d'Aaron.

Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, comme il était au commencement, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.



Le Psaume 76 (77) en latin (La Vulgate) :

Ps 76, 01 : In finem pro Idithun psalmus Asaph
Ps 76, 02 : Voce mea ad Dominum clamavi voce mea ad Deum et intendit me
Ps 76, 03 : in die tribulationis meae Deum exquisivi manibus meis nocte contra eum et non sum deceptus rennuit consolari anima mea
Ps 76, 04 : memor fui Dei et delectatus sum exercitatus sum et defecit spiritus meus diapsalma
Ps 76, 05 : anticipaverunt vigilias oculi mei turbatus sum et non sum locutus
Ps 76, 06 : cogitavi dies antiquos et annos aeternos in mente habui
Ps 76, 07 : et meditatus sum nocte cum corde meo exercitabar et scobebam spiritum meum
Ps 76, 08 : numquid in aeternum proiciet Deus et non adponet ut conplacitior sit adhuc
Ps 76, 09 : aut in finem misericordiam suam abscidet a generatione in generationem
Ps 76, 10 : aut obliviscetur misereri Deus aut continebit in ira sua misericordias suas diapsalma
Ps 76, 11 : et dixi nunc coepi haec mutatio dexterae Excelsi
Ps 76, 12 : memor fui operum Domini quia memor ero ab initio mirabilium tuorum
Ps 76, 13 : et meditabor in omnibus operibus tuis et in adinventionibus tuis exercebor
Ps 76, 14 : Deus in sancto via tua quis deus magnus sicut Deus noster
Ps 76, 15 : tu es Deus qui facis mirabilia notam fecisti in populis virtutem tuam
Ps 76, 16 : redemisti in brachio tuo populum tuum filios Iacob et Ioseph diapsalma
Ps 76, 17 : viderunt te aquae Deus viderunt te aquae et timuerunt et turbatae sunt abyssi
Ps 76, 18 : multitudo sonitus aquarum vocem dederunt nubes etenim sagittae tuae transeunt
Ps 76, 19 : vox tonitrui tui in rota inluxerunt coruscationes tuae orbi terrae commota est et contremuit terra
Ps 76, 20 : in mari via tua et semitae tuae in aquis multis et vestigia tua non cognoscentur
Ps 76, 21 : deduxisti sicut oves populum tuum in manu Mosi et Aaron

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto sicut erat in principio et nunc et semper et in sæcula sæculorum. Amen.



Commentaire du Psaume 76 (77) :

Le psaume 76 (77) : « Vers Dieu, je crie mon appel », se présente au premier abord à la fois comme une grande somme récapitulative du salut d'Israël et comme l'histoire d'une âme. Faisant siennes la supplication et la louange, il marque le pas de la méditation sur les temps passés et à venir, énonce la dramaturgie d'une révélation et coud ensemble les pans d'une théophanie pressentie dans les tremblements de l'histoire. À lire dans l'éclairage des psaumes 73 (74) et 139 (140) dont il est le chant choral de la détresse, il s'augmente d'une intensité dramatique par l'intimité de son appel à Dieu, faisant passer le psalmiste de l'exil à la demeure et préfigurant l'image du bon berger.


UNE MÉDITATION

Comme beaucoup de ses semblables, le psaume 76 (77) commence par un cri, cette bouche ouverte du malheur qui remplit la nuit de sa béance, comme si rien ne pouvait demeurer de l'espérance face à l'inespéré. « Vers Dieu, je crie mon appel » (v. 2). On ne peut que songer au tableau d'Edvard Munch, peint à la fin du XIXe siècle, portant le titre de son objet, Le Cri, et à propos duquel le peintre disait qu'il avait senti « un cri infini qui passait à travers l'univers et déchirait la nature ».

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La stupeur qui habille les traits du personnage hurlant est celle du prologue de ce psaume. Cependant, si le cri est une démonstration d'impuissance, ce qui suit relève d'une composition qui s'enracine dans le secret de l'expérience de Dieu et du prolongement médité d'une prière nocturne. Car l'on passe bien, en effet, du cri à la méditation qui s'appuie sur une temporalité dilatée et se saisit du temps pour conforter sa demande : « Je pense aux jours d'autrefois, aux années de jadis » (v. 6). L'intériorisation devient perceptible par le jeu du souvenir. L'omniprésence du « je » du locuteur et des verbes qui indiquent un mouvement de l'esprit: « chercher, se souvenir, méditer, penser », comme une descente dans le cœur, désigne cet aller aux sources de l'être, si fréquent dans le psautier, dont l'apprentissage est essentiellement cordial, patient et accordé au temps.


LA DRAMATURGIE D'UNE RÉVÉLATION

Mais le trouble du cœur qui s'interroge au verset 7 témoigne de la cruauté d'une absence dont le verset 8 introduit la violence d'un combat: « Le Seigneur ne fera-t-il que rejeter ? ». Celle-ci est amplifiée par la suite par les thèmes de l'oubli et de la colère, propres à l'aridité de l'Ancien Testament : « Dieu oublierait-il d'avoir pitié, dans sa colère a-t-il fermé ses entrailles ? » (v. 10). Le questionnement induit une angoisse, celle de l'homme en lutte contre lui-même, dominé par le doute, le refus qui tenaille, mais contre cela, à travers l'ombre des gémissements, la parole se saisit de Dieu par la prière. Comme Moïse durant l'Exode (Ex 17,11), dont les bras levés en signe d'adoration sont la force et la puissance face à la faiblesse et au renoncement, le psalmiste laisse courir son imploration, le cœur soulevé par le désir et le souvenir élégiaque d'un Dieu de bonté et de puissance : « Tu es le Dieu qui accomplis la merveille » (v. 15). L’universalité d'un besoin qui se consume dans le prolongement d'une oraison se dessine et marque la filiation des grands orants qui se sont agenouillés devant Dieu, au cours des siècles, comme ici, dans cette méditation à la Vierge, écrite au XII ième siècle, par Guigues II le Chartreux : « Cours, pauvre âme, cours de ce côté, cours là où est la vie. Je te le dis, ô mon âme, pourquoi te consumes-tu de faim et de langueur; n'y a-t-il point de conseiller pour toi ? Cours, malheureuse, vers ta souveraine ». Car l'âme qui prie décèle quelque chose de la Présence.


UNE THÉOPHANIE ANNONCÉE

S'il n'y avait pas cette vérité sous-jacente de l'action bienfaisante de Dieu dans nos détresses de chaque instant, la tonalité de ce psaume se réduirait à la nuit. Mais il est porté par la lumière inaltérable de la manifestation divine dans l'histoire du salut. Petites et grandes théophanies des chroniques de Terre sainte sont rassemblées ici dans l'humble suggestion de l'Exode avec l'ouverture des eaux de la mer Rouge sous les pas de Moïse (Ex 14,15-31) et cette impulsion salvatrice de la foi qui marche et défriche le chemin avec son bâton de confiance. L'image du peuple conduit, tel un troupeau dans la main de Moïse, annonce celle du bon berger, par laquelle le Christ invite Pierre à réfléchir à son destin apostolique entre les deux porches de la résurrection et de l'Ascension : « Sois le berger de mes brebis » (Jn 21,17). Il y a là pour chacun d'entre nous, dans le tremblement de la Présence, un appel et une leçon.

Ce commentaire du Psaume 76 (77) : « Vers Dieu, je crie mon appel », a été écrit par Nathalie Nabert, laïque et mère de famille, poète, doyen honoraire de la faculté des lettres de l'Institut catholique de Paris, professeur de littérature médiévale, fondatrice du CRESC, « Centre de recherches et d'études de spiritualité cartusienne », et de la collection « Spiritualité cartusienne » chez Beauchesne.

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