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Psaume 76 - « Prière du Juste affligé soupirant vers le Ciel »


« De ma voix j'ai crié vers le Seigneur ; de ma voix j'ai crié vers Dieu, et Il m'a entendu »
« Voce mea ad Dominum clamavi ; voce mea ad Deum, et intendit mihi »

Il n'y a rien de certain touchant le temps auquel ce Psaume 76 se doit rapporter. Nous nous arrêtons au sentiment des auteurs qui ont crû que le Prophète y a en vue la délivrance de la captivité de Babylone. On peut l'appliquer en général, comme a fait Saint Augustin, aux Justes et aux Parfaits, qui soupirant vers le Ciel souffrent avec peine l'exil de la vie présente. Dans cette Prière d'un affligé qui s'excite à l'espérance par la contemplation des Bienfaits éclatants du Seigneur, le psalmiste implore la Bonté de Dieu, au milieu d'une calamité nationale qui semblait menacer l'existence même des Israélites. D'abord, versets 2 et suivants, il désespère presque d'obtenir du secours ; puis tout à coup, versets 11 et suivants, divinement éclairé et consolé, il s'abandonne au sentiment d'une joyeuse confiance, se souvenant des Prodiges éclatants par lesquels le Seigneur avait autrefois sauvé Son peuple malheureux, spécialement à l'époque de la sortie d'Égypte. Ce que Dieu a fait autrefois, ne peut-Il pas le faire encore ? Ce Psaume LXXVI se divise en deux parties : profonde douleur du poète à la vue des malheurs de son peuple (versets 2-10) ; sentiment d'une très vive confiance au souvenir des antiques Merveilles opérées par Jéhovah pour délivrer Israël (versets 11-21). Six strophes, trois dans chaque partie : versets 2-4, 5-7, 8-10, 11-13, 14-16, 17-21 ; la première, la troisième et la cinquième sont marquées par le sélah hébreux. La Sainte Église Catholique chante le verset 19 pour l’Antienne qui rappelle la Manifestation de la Gloire de Dieu sur le Mont Sinaï à l’Introït de la Fête de la Transfiguration de Notre Seigneur Jésus-Christ et les versets 15 et 16 au Graduel du Dimanche de la Quinquagésime (Dominica in Quinquagesima) pour nous rappeler que Dieu a prouvé son Amour, notre Force et notre Protection, pour son Peuple par ses « Merveilles ».


Le Psaume LXXVI en latin « Voce mea ad Dominum clamavi » (Vulgate) :
Ps. LXXVI, 1 : In finem, pro Idithun, Psalmus Asaph.
Ps. LXXVI, 2 : Voce mea ad Dominum clamavi ; voce mea ad Deum, et intendit mihi.
Ps. LXXVI, 3 : In die tribulationis meæ Deum exquisivi ; manibus meis nocte contra eum, et non sum deceptus. Renuit consolari anima mea ;
Ps. LXXVI, 4 : Memor fui Dei, et delectatus sum ; et exercitatus sum, et defecit spiritus meus.
Ps. LXXVI, 5 : Anticipaverunt vigilias oculi mei ; turbatus sum, et non sum locutus.
Ps. LXXVI, 6 : Cogitavi dies antiquos, et annos æternos in mente habui.
Ps. LXXVI, 7 : Et meditatus sum nocte cum corde meo, et exercitabar, et scopebam spiritum meum.
Ps. LXXVI, 8 : Numquid in æternum projiciet Deus ? Aut non apponet ut complacitior sit adhuc ?
Ps. LXXVI, 9 : Aut in finem misericordiam suam abscindet, a generatione in generationem ?
Ps. LXXVI, 10 : Aut obliviscetur misereri Deus ? Aut continebit in ira sua misericordias suas ?
Ps. LXXVI, 11 : Et dixi : Nunc cœpi ; hæc mutatio dexteræ Excelsi.
Ps. LXXVI, 12 : Memor fui operum Domini ; quia memor ero ab initio mirabilium tuorum.
Ps. LXXVI, 13 : Et meditabor in omnibus operibus tuis, et in adinventionibus tuis exercebor.
Ps. LXXVI, 14 : Deus, in sancto via tua. Quis Deus magnus sicut Deus noster ?
Ps. LXXVI, 15 : Tu es Deus qui facis mirabilia. Notam fecisti in populis virtutem tuam ;
Ps. LXXVI, 16 : Redemisti in brachio tuo populum tuum, filios Jacob et Joseph.
Ps. LXXVI, 17 : Viderunt te aquæ, Deus ; viderunt te aquæ, et timuerunt, et turbatæ sunt abyssi.
Ps. LXXVI, 18 : Multitudo sonitus aquarum ; vocem dederunt nubes. Etenim sagittæ tuæ transeunt ;
Ps. LXXVI, 19 : Vox tonitrui tui in rota. Illuxerunt coruscationes tuæ orbi terræ ; commota est, et contremuit terra.
Ps. LXXVI, 20 : In mari via tua, et semitæ tuæ in aquis multis, et vestigia tua non cognoscentur.
Ps. LXXVI, 21 : Deduxisti sicut oves populum tuum, in manu Moysi et Aaron.
Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto sicut erat in principio et nunc et semper et in sæcula sæculorum. Amen.


Le Psaume 76 en français « De ma voix j'ai crié vers le Seigneur » (Vulgate) :
Ps 76, 1 : Pour la fin, à Idithun, Psaume d'Asaph.
Ps 76, 2 : De ma voix j'ai crié vers le Seigneur ; de ma voix j'ai crié vers Dieu, et Il m'a entendu.
Ps 76, 3 : Au jour de ma tribulation, j'ai cherché Dieu ; la nuit, j'ai tendu mes mains vers Lui, et je n'ai pas été déçu. Mon âme a refusé toute consolation ;
Ps 76, 4 : Je me suis souvenu de Dieu, et j'ai été ravi ; puis je me suis troublé, et mon esprit a défailli.
Ps 76, 5 : Mes yeux ont devancé les veilles de la nuit ; j'ai été dans le trouble, et je ne pouvais parler.
Ps 76, 6 : Je pensais aux jours anciens, et j'avais dans l'esprit les années éternelles.
Ps 76, 7 : Et je méditais la nuit dans mon cœur, et je réfléchissais, et je tourmentais mon esprit.
Ps 76, 8 : Dieu nous rejettera-t-Il pour toujours ? Ou ne pourra-t-Il plus nous être favorable ?
Ps 76, 9 : Nous privera-t-Il à jamais de sa Miséricorde, de génération en génération ?
Ps 76, 10 : Dieu oubliera-t-Il d'avoir pitié ? Ou, dans sa Colère, arrêtera-t-Il ses Miséricordes ?
Ps 76, 11 : Et j'ai dit : Maintenant je commence ; ce changement vient de la Droite du Très-Haut.
Ps 76, 12 : Je me suis souvenu des Œuvres du Seigneur ; car je me souviendrai de Vos merveilles d'autrefois.
Ps 76, 13 : Et je méditerai sur toutes Vos œuvres, et je réfléchirai sur Vos desseins.
Ps 76, 14 : Ô Dieu, Votre voie est Sainte. Quel Dieu est Grand comme notre Dieu ?
Ps 76, 15 : Vous êtes le Dieu qui opérez des merveilles. Vous avez fait connaître parmi les peuples votre Puissance ;
Ps 76, 16 : Vous avez racheté par Votre bras Votre peuple, les fils de Jacob et de Joseph.
Ps 76, 17 : Les eaux vous ont vu, ô Dieu ; les eaux vous ont vu, et elles ont eu peur, et les abîmes ont été troublés.
Ps 76, 18 : Redoublement du fracas des eaux ; les nuées ont fait retentir leur voix. Vos flèches aussi ont été lancées :
Ps 76, 19 : Voix de Votre tonnerre tout autour. Vos éclairs ont illuminé le monde ; la terre a été émue et a tremblé.
Ps 76, 20 : La mer fut Votre chemin, les grandes eaux furent Vos sentiers, et Vos traces ne seront point connues.
Ps 76, 21 : Vous avez conduit Votre peuple comme les brebis, par la main de Moïse et d'Aaron.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, comme il était au commencement, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


Le Psaume 76 « C'est au Seigneur que je m'écrie des forces de toute ma voix » mis en quatrains de 32 syllabes (Bible de Vence de 1738) :
Ps 76, 1 : Pour la fin, à Idithun, Psaume d'Asaph.
Ps 76, 2 : C'est au Seigneur que je m'écrie
Des forces de toute ma voix ;
A ce Dieu qui, lorsque je prie,
Est attentif comme autrefois.
Ps 76, 3 : J'ai cherché le Maître suprême
Au jour de mon affliction ;
Dans les ombres de la nuit même,
Je répandais mon oraison,
Les bras tendus en sa Présence,
Je les aurais laissés tomber,
Sans quelque rayon d'espérance
Qui m'empêcha de succomber.
Ps 76, 3-4 : Mon âme, à son chagrin en proie,
Refusa de se consoler ;
Elle se souvint, avec joie,
Du Dieu qu'elle aime à rappeler.
Ps 76, 4 : J'ai voulu sonder, à sa base,
Le dessein qu'Il doit accomplir ;
Mon âme, ravie en extase,
Finissait par me défaillir.
Ps 76, 5 : Mes yeux, ouverts jusqu'à l'aurore,
La revoyaient pour se troubler ;
Et, le jour, plus aveugle encore,
J'errais, et ne pouvais parler.
Ps 76, 6 : Mais de nos antiques journées
J'ai rappelé le souvenir ;
Et des éternelles années
Mon esprit put s'entretenir.
Ps 76, 7 : Pendant la nuit, quand je médite,
J'interroge mon cœur contrit ;
Sur ma couche, quand je m'agite,
Je le demande à mon esprit :
Ps 76, 8 : Est-il donc vrai qu'inexorable
Dieu nous rejette pour jamais ;
Et que d'un regard favorable
Il nous privera désormais ;
Ps 76, 9 : Que, jusqu'à la fin, de sa Grâce
Il nous a tous déshérités ;
Jusqu'à la fin, de race en race,
Implorant en vain ses Bontés ?
Ps 76, 10 : Oubliera-t-Il ce qu'Il accorde
A qui Lui demande pardon ;
Sa pitié, Sa miséricorde,
Qu'Il nous prodiguait en pur Don ?
Ps 76, 11 : Et je dis : Non, j'ai l'espérance
Qu'il n'en sera jamais ainsi ;
A vivre déjà je commence ;
La main du Très-Haut est ici.
Ps 76, 12 : Je n'ai pas perdu la mémoire
Des grandes œuvres du Seigneur ;
Et des prodiges de sa Gloire
Dans un âge réparateur.
Ps 76, 13 : Je réfléchirai sur Tes œuvres
Que Tu ne veux pas renverser ;
Et m'expliquerai les épreuves
Par où Tu nous as fait passer.
Ps 76, 14 : Ô mon Dieu, Ta voie à nulle autre
N'est comparable en Sainteté ;
Est-il un Dieu comme le Nôtre,
Pareil en magnanimité ?
Ps 76, 15 : N'es-Tu pas le Dieu des merveilles
Qui frappèrent tout l'univers ;
Et les yeux comme les oreilles
Des rois et des peuples divers ?
Ps 76, 16 : Tu délivras par Ta puissance
Ton peuple dont Tu fus le Chef ;
Les enfants de Ton alliance,
Fils de Jacob et de Joseph.
Ps 76, 17 : Les flots T'ont vu, Seigneur ; les ondes
Reculèrent dans le respect ;
Les abîmes des mers profondes
Se troublèrent à Ton aspect.
Ps 76, 18 : L'une contre l'autre les nues
S'entre-choquèrent à grand bruit ;
Et sont en torrents descendues
Au sein d'une orageuse nuit.
Ps 76, 18-19 : Tes flèches, qui la traversèrent,
En redoublèrent le fracas ;
Et Tes tonnerres déroulèrent
De leurs voix les rudes éclats.
Ps 76, 19 : La terre pâlit d'épouvante,
A la lueur de Tes éclairs ;
Et, sur sa base chancelante,
Trembla l'orbe de l'univers.
Ps 76, 20 : Dans l'abîme Tu Te diriges,
Dans les flots s'avancent Tes pas ;
A l'œil échappent Tes vestiges
Que l'esprit ne reconnaît pas.
Ps 76, 21 : Et Ta main conduit et maîtrise
Le peuple qui porte ton Nom
Sous la houlette de Moïse,
Avec la baguette d'Aaron.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, comme il était au commencement, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


Le Psaume 76 « Vers Dieu, je crie mon appel ! » (AELF) :
Ps 76, 1 : Pour la fin, à Idithun, Psaume d'Asaph.
Ps 76, 2 : Vers Dieu, je crie mon appel ! Je crie vers Dieu : qu'Il m'entende !
Ps 76, 3 : Au jour de la détresse, je cherche le Seigneur ; la nuit, je tends les mains sans relâche, mon âme refuse le réconfort.
Ps 76, 4 : Je me souviens de Dieu, je me plains ; je médite et mon esprit défaille.
Ps 76, 5 : Tu refuses à mes yeux le sommeil ; je me trouble, incapable de parler.
Ps 76, 6 : Je pense aux jours d'autrefois, aux années de jadis ;
Ps 76, 7 : La nuit, je me souviens de mon chant, je médite en mon cœur, et mon esprit s'interroge.
Ps 76, 8 : Le Seigneur ne fera-t-Il que rejeter, ne sera-t-Il jamais plus favorable ?
Ps 76, 9 : Son Amour a-t-Il donc disparu ? S'est-Elle éteinte, d'âge en âge, la Parole ?
Ps 76, 10 : Dieu oublierait-Il d'avoir pitié, dans Sa colère a-t-Il fermé Ses entrailles ?
Ps 76, 11 : J'ai dit : « Une chose me fait mal, la Droite du Très-Haut a changé ».
Ps 76, 12 : Je me souviens des exploits du Seigneur, je rappelle Ta merveille de jadis ;
Ps 76, 13 : Je me redis tous Tes hauts faits, sur Tes exploits je médite.
Ps 76, 14 : Dieu, la Sainteté est Ton chemin ! Quel Dieu est grand comme Dieu ?
Ps 76, 15 : Tu es le Dieu qui accomplis la merveille, qui fais connaître chez les peuples Ta force :
Ps 76, 16 : Tu rachetas Ton peuple avec puissance, les descendants de Jacob et de Joseph.
Ps 76, 17 : Les eaux, en Te voyant, Seigneur, les eaux, en Te voyant, tremblèrent, l'abîme lui-même a frémi.
Ps 76, 18 : Les nuages déversèrent leurs eaux, les nuées donnèrent de la voix, la foudre frappait de toute part.
Ps 76, 19 : Au roulement de Ta voix qui tonnait, Tes éclairs illuminèrent le monde, la terre s'agita et frémit.
Ps 76, 20 : Par la mer passait Ton chemin, Tes sentiers, par les eaux profondes ; et nul n'en connaît la trace.
Ps 76, 21 : Tu as conduit comme un troupeau Ton peuple par la main de Moïse et d'Aaron.
Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, comme il était au commencement, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.


Le Psaume 76 « Vers Dieu ma voix : je crie » (Bible de Jérusalem de 1998) :
Ps 76, 1 : Pour la fin, à Idithun, Psaume d'Asaph.
Ps 76, 2 : Vers Dieu ma voix : je crie, vers Dieu ma voix : Il m'entend.
Ps 76, 3 : Au jour d'angoisse j'ai cherché le Seigneur ; la nuit, j'ai tendu la main sans relâche, mon âme a refusé d'être consolée.
Ps 76, 4 : Je me souviens de Dieu et je gémis, je médite et le souffle me manque.
Ps 76, 5 : Tu as retenu les paupières de mes yeux, je suis troublé, je ne puis parler ;
Ps 76, 6 : J'ai pensé aux jours d'autrefois, d'années séculaires
Ps 76, 7 : Je me souviens; je murmure dans la nuit en mon cœur, je médite et mon esprit interroge
Ps 76, 8 : Est-ce pour les siècles que le Seigneur rejette, qu'Il cesse de se montrer favorable ?
Ps 76, 9 : Son Amour est-Il épuisé jusqu'à la fin, achevée pour les âges des âges la Parole ?
Ps 76, 10 : Est-ce que Dieu oublie d'avoir pitié, ou de colère ferme-t-Il ses entrailles ?
Ps 76, 11 : Et je dis : Voilà ce qui me blesse elle est changée, la droite du Très-Haut.
Ps 76, 12 : Je me souviens des hauts faits de Yahvé, oui, je me souviens d'autrefois, de Tes merveilles,
Ps 76, 13 : Je me murmure toute Ton œuvre, et sur Tes hauts faits je médite
Ps 76, 14 : Ô Dieu, Saintes sont Tes voies ! Quel dieu est grand comme Dieu ?
Ps 76, 15 : Toi, le Dieu qui fait merveille, Tu fis savoir parmi les peuples Ta force ;
Ps 76, 16 : Par Ton bras Tu rachetas Ton peuple, les enfants de Jacob et de Joseph.
Ps 76, 17 : Les eaux Te virent, ô Dieu, les eaux Te virent et furent bouleversées, les abîmes aussi s'agitaient.
Ps 76, 18 : Les nuées déversèrent les eaux, les nuages donnèrent de la voix, Tes flèches aussi filaient.
Ps 76, 19 : Voix de Ton tonnerre en son roulement. Tes éclairs illuminaient le monde, la terre s'agitait et tremblait.
Ps 76, 20 : Sur la mer fut Ton chemin, Ton sentier sur les eaux innombrables. Et Tes traces, nul ne les connut.
Ps 76, 21 : Tu guidas comme un troupeau Ton peuple par la main de Moïse et d'Aaron.
Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, comme il était au commencement, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.



Commentaire du Psaume 76


Le Psaume 76 : « Vers Dieu, je crie mon appel », se présente au premier abord à la fois comme une grande somme récapitulative du salut d'Israël et comme l'histoire d'une âme. Faisant siennes la supplication et la louange, il marque le pas de la méditation sur les temps passés et à venir, énonce la dramaturgie d'une révélation et coud ensemble les pans d'une théophanie pressentie dans les tremblements de l'histoire. À lire dans l'éclairage des psaumes 74 et 140 dont il est le chant choral de la détresse, il s'augmente d'une intensité dramatique par l'intimité de son appel à Dieu, faisant passer le psalmiste de l'exil à la demeure et préfigurant l'image du bon berger.


UNE MÉDITATION

Comme beaucoup de ses semblables, le psaume 76 commence par un cri, cette bouche ouverte du malheur qui remplit la nuit de sa béance, comme si rien ne pouvait demeurer de l'espérance face à l'inespéré. « Vers Dieu, je crie mon appel » (v. 2). On ne peut que songer au tableau d'Edvard Munch, peint à la fin du XIXe siècle, portant le titre de son objet, Le Cri, et à propos duquel le peintre disait qu'il avait senti « un cri infini qui passait à travers l'univers et déchirait la nature ».

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La stupeur qui habille les traits du personnage hurlant est celle du prologue de ce psaume. Cependant, si le cri est une démonstration d'impuissance, ce qui suit relève d'une composition qui s'enracine dans le secret de l'expérience de Dieu et du prolongement médité d'une prière nocturne. Car l'on passe bien, en effet, du cri à la méditation qui s'appuie sur une temporalité dilatée et se saisit du temps pour conforter sa demande : « Je pense aux jours d'autrefois, aux années de jadis » (v. 6). L'intériorisation devient perceptible par le jeu du souvenir. L'omniprésence du « je » du locuteur et des verbes qui indiquent un mouvement de l'esprit: « chercher, se souvenir, méditer, penser », comme une descente dans le cœur, désigne cet aller aux sources de l'être, si fréquent dans le psautier, dont l'apprentissage est essentiellement cordial, patient et accordé au temps.


LA DRAMATURGIE D'UNE RÉVÉLATION

Mais le trouble du cœur qui s'interroge au verset 7 témoigne de la cruauté d'une absence dont le verset 8 introduit la violence d'un combat: « Le Seigneur ne fera-t-il que rejeter ? ». Celle-ci est amplifiée par la suite par les thèmes de l'oubli et de la colère, propres à l'aridité de l'Ancien Testament : « Dieu oublierait-il d'avoir pitié, dans sa colère a-t-il fermé ses entrailles ? » (v. 10). Le questionnement induit une angoisse, celle de l'homme en lutte contre lui-même, dominé par le doute, le refus qui tenaille, mais contre cela, à travers l'ombre des gémissements, la parole se saisit de Dieu par la prière. Comme Moïse durant l'Exode (Ex 17,11), dont les bras levés en signe d'adoration sont la force et la puissance face à la faiblesse et au renoncement, le psalmiste laisse courir son imploration, le cœur soulevé par le désir et le souvenir élégiaque d'un Dieu de bonté et de puissance : « Tu es le Dieu qui accomplis la merveille » (v. 15). L’universalité d'un besoin qui se consume dans le prolongement d'une oraison se dessine et marque la filiation des grands orants qui se sont agenouillés devant Dieu, au cours des siècles, comme ici, dans cette méditation à la Vierge, écrite au XII ième siècle, par Guigues II le Chartreux : « Cours, pauvre âme, cours de ce côté, cours là où est la vie. Je te le dis, ô mon âme, pourquoi te consumes-tu de faim et de langueur; n'y a-t-il point de conseiller pour toi ? Cours, malheureuse, vers ta souveraine ». Car l'âme qui prie décèle quelque chose de la Présence.


UNE THÉOPHANIE ANNONCÉE

S'il n'y avait pas cette vérité sous-jacente de l'action bienfaisante de Dieu dans nos détresses de chaque instant, la tonalité de ce psaume se réduirait à la nuit. Mais il est porté par la lumière inaltérable de la manifestation divine dans l'histoire du salut. Petites et grandes théophanies des chroniques de Terre sainte sont rassemblées ici dans l'humble suggestion de l'Exode avec l'ouverture des eaux de la mer Rouge sous les pas de Moïse (Ex 14,15-31) et cette impulsion salvatrice de la foi qui marche et défriche le chemin avec son bâton de confiance. L'image du peuple conduit, tel un troupeau dans la main de Moïse, annonce celle du bon berger, par laquelle le Christ invite Pierre à réfléchir à son destin apostolique entre les deux porches de la résurrection et de l'Ascension : « Sois le berger de mes brebis » (Jn 21,17). Il y a là pour chacun d'entre nous, dans le tremblement de la Présence, un appel et une leçon.

Ce commentaire du Psaume 76 : « Vers Dieu, je crie mon appel », a été écrit par Nathalie Nabert, laïque et mère de famille, poète, doyen honoraire de la faculté des lettres de l'Institut catholique de Paris, professeur de littérature médiévale, fondatrice du CRESC, « Centre de recherches et d'études de spiritualité cartusienne », et de la collection « Spiritualité cartusienne » chez Beauchesne.

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